Dans un précédent article sur les maladies rares, nous avions vu comment les autorités sanitaires françaises avaient « sanctuarisé » la lutte contre les maladies rares, avec la mise en place au milieu des années 2000 des Plans Nationaux Maladies Rares (PNMR). Les instances européennes ne sont, elles, pas en reste. Présentation des dispositifs existants.

Flashback. Dans le sillon des États-Unis qui ont légiféré sur les rare diseases dès 1983, les associations et industriels français incitent les autorités à s’intéresser aux maladies rares. Et pour cause… Il s’agit là d’un enjeu de santé publique doublé d’un enjeu pédiatrique majeur : sur les trois millions de personnes touchées dans l’Hexagone (4.5% de la population), la moitié des patients sont âgés de moins de 5 ans.

La mission des médicaments orphelins voit ainsi le jour en 1995, dix ans avant l’application du premier PNMR. Les autorités françaises poussent également auprès des instances européennes. Avec succès.

Deux ans après le lancement en 1997 de la coalition européenne de patients Eurordis (European Organization for Rare Disorders, l’équivalent de la National Organization for Rare Disorders américaine), la pierre angulaire de la politique UE de la lutte contre les maladies rares est posée. Le Règlement européen sur les médicaments orphelins est adopté le 16 décembre 1999.

 

Comment fonctionne la réglementation pharma américaine ?

On l'a vu plus haut, la règlementation américaine dans le domaine des maladies rares est de première importance : elle a donné le « la » aux autorités françaises et européennes. Mais êtes-vous à jour des dernières actualités réglementaires aux États-Unis ? Vous avez un doute ? Pas de problème, l'Ifis vous propose la formation Découvrir la réglementation pharmaceutique américaine. En deux sessions, vous : 

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Comment obtenir la désignation de « médicament orphelin » ?

Quelles sont les dispositions du règlement ? En premier lieu, celui-ci livre les paramètres de désignation des médicaments orphelins. Pour obtenir cette appellation, son promoteur doit satisfaire deux critères.

Premièrement, il doit prouver que le médicament est destiné :

au diagnostic, à la prévention ou au traitement d'une affection entraînant une menace pour la vie ou une invalidité chronique ne touchant pas plus de cinq personnes sur dix mille dans la Communauté […],ou qu'il est destiné au diagnostic, à la prévention ou au traitement, dans la Communauté, d'une maladie mettant la vie en danger, d'une maladie très invalidante ou d'une affection grave et chronique, et qu'il est peu probable que, en l'absence de mesures d'incitation, la commercialisation de ce médicament dans la Communauté génère des bénéfices suffisants pour justifier l'investissement nécessaire

Deuxièmement, il ne doit pas exister :

de processus satisfaisant de diagnostic, de prévention ou de traitement de cette affection ayant été autorisée dans la Communauté ou, s’il en existe, que le médicament en question procurera un bénéfice notable à ceux atteints de cette affection.

 

Comment s’effectue la procédure de désignation ?

Ainsi que le prévoit l’article 5, la désignation d’un médicament orphelin est soumise à plusieurs étapes. La demande s’effectue auprès de l’Agence européenne du médicament (EMA), à n’importe quel stade de développement du médicament, et avant le dépôt de la demande d’autorisation de mise sur le marché.

  1. Constitution du dossier avec les documents suivants : nom/dénomination sociale et adresse du promoteur, principes actifs du médicament, indication thérapeutique proposée, justifications à apporter quant au respect des critères ci-dessus ;
  2. L’EMA examine la validité du dossier et rédige un rapport succinct destiné au Comité des médicaments orphelins. L’agence peut demander, le cas échéant, des informations complémentaires au promoteur ;
  3. Le dossier transmis au comité, celui-ci dispose d’un délai de 90 jours pour formuler un avis ;
  4. Si l’avis révèle un non-respect des critères de désignation, l’EMA informe immédiatement le promoteur. Celui-ci dispose d’un délai de 90 jours pour « présenter une argumentation détaillée, susceptible de fonder un recours, que l’Agence transmet au comité. Le comité statue sur la nécessité de réviser son avis » ;
  5. L’EMA transmet l’avis définitif à la Commission qui doit prendre une décision sous 30 jours. Celle-ci est notifiée au promoteur et transmise à l’Agence et aux autorités concernées des pays membres ;
  6. Le médicament désigné orphelin est inscrit au registre communautaire des médicaments orphelins. À charge pour le promoteur de transmettre chaque année à l’Agence un rapport sur l’état de développement du médicament.

À noter que les demandes s’effectuent via la plateforme Iris administrée par l’EMA. Pour effectuer votre demande, vous devez disposer :

  • d’un compte EMA actif ;
  • d’un enregistrement au sein du service de gestion de l’organisation (OMS) de l’EMA ;
  • du rôle d’accès utilisateur et de l’affiliation adaptés à une organisation ;
  • d’un identifiant de produit de recherche (RPI) valide pour les application scientifiques du type « désignations orphelines ».
Quel rôle pour le Comité des médicaments orphelins ?

C’est l’autre pilier de la politique européenne. Le comité des médicaments orphelins – ou Committee for Orphan Medicinal Products (COMP) –  a été institué par le Règlement Ce n° 141/2000.

On l’a vu plus haut : le COMP analyse les demandes de désignation de médicaments. Son action a pour but d’améliorer les dépôts initiaux de demandes de désignations orphelines et donc, de réduire le taux de refus des demandes de désignation.

Mais ce n’est pas sa seule mission. Le comité conseille également la Commission en vue de l'élaboration et la mise en place d'une politique des médicaments orphelins pour l'Union européenne. Et assiste la Commission dans « les discussions internationales » et « l’établissement de lignes directrices détaillées ».  

 

Des mesures incitatives pour les industriels

Pour les industriels, l’impact – positif - d’une telle dénomination n’est pas anodin. Des mesures incitatives ont été mises en place.

Pourquoi ces dispositions ? Les coûts de développement et de mise sur le marché d’un traitement pour les maladies rares ne peuvent pas être amortis par ses seules ventes. Des dispositifs incitatifs ont donc été mis en place. Ainsi que le souligne le Règlement,

il importe que les patients souffrant d'affections rares puissent bénéficier de la même qualité de traitement que les autres et il est par conséquent nécessaire d'inciter l'industrie pharmaceutique à promouvoir la recherche, le développement et la commercialisation de traitements adéquats; des régimes d'incitation au développement de médicaments orphelins existent aux États-Unis d'Amérique depuis 1983 et au Japon depuis 1993 […]

Et pour « inciter l’industrie pharmaceutique », les autorités européennes proposent la mesure suivante : l’exclusivité commerciale, accordée 10 ans durant aux laboratoires pour leurs médicaments orphelins. En d’autres mots, aucun autre médicament similaire (et donc concurrent) ne pourra être commercialisé durant cette période.

À noter que les médicaments concernés bénéficient également d’une procédure centralisée d’autorisation de mise sur le marché.

 

Quel bilan pour ces mesures incitatives ?

Positif, si l’on reprend les chiffres publiés l’an dernier par le Leem. Ces mesures ont un impact réel :

  • Elles ont permis de passer de huit traitements approuvés par l’EMA en 2000 à 190, vingt ans plus tard ;
  • Une hausse de 88% des essais cliniques sur les maladies rares a été enregistrée entre 2006 et 2016
  • 22% des essais cliniques menés par les industriels concernent les maladies rares
  • 220 PME ont été créées suite à l’adoption du règlement. Elle sont à l’origine de 51% des médicaments orphelins en Europe.

Le chemin est encore long dans la lutte contre les maladies rares mais les mesures mises en œuvre depuis plus de 20 ans montrent l’importance de l’implémentation d’actions incitatives issues d’une politique européenne commune. La désignation de « médicaments orphelins » est un des exemples probants de mesures incitatives ayant déjà fait ses preuves !